Juste à côté de la villa « Les Titous » il y avait encore des baraques en bois, vestiges du relogement des sinistrés… Nombre d’entre elles étaient abandonnées avant leur disparition. Vu leur aspect Far west, avec nos pistolets à amorces on y jouait aux cow boys. Un immeuble tout neuf derrière la rue des Fauvettes. Un grand balcon permettait à un groupe « de rock » de s’y entraîner… On entendait les sons métalliques des premières guitares électriques. Mon cousin Jean-Bernard, qui jouait le rôle de grand-frère et donc que je « badais » me dit d’un air entendu : "ils jouent un morceau des « chats d’eau »" du moins c’était ainsi que j’interprétais phonétiquement. Cela m’interpellait on s’en doute, quel nom bizarre pour un groupe musical. Des années plus tard je découvris bien sûr qu’il parlait des Shadows !
De temps en temps retentissaient les "tooot" du bac le Cordouan. Ils nous rappelaient la proximité de la grande bleue, en fait elle était souvent "café au lait" avec les marées. Sur la grande jetée, au dessus d'epaves rouillées, avec Pépé Ernest on allait pêcher les "crabinious". En ville un gros coquillage lui en béton, entouré d’échafaudages, allait devenir le marché… Un peu plus loin la cathédrale, énorme chantier parmi les chantiers. Plus tard on m’expliqua pourquoi la maison familiale, comme la ville étaient « toutes neuves ». Je découvris des photos pieusement gardées d’un tas de gravats, l’ancienne maison « Galès » rue des Gardes…
Plus tard, préado arrivant de Bergerac pour passer un mois de vacances à Royan, j’avais l’impression d’être à Las Vegas devant les orchestres des brasseries, les voitures de sport, cet univers ultra moderne (pour l’époque), l’arrogant portique du Front de mer, le casino futuriste, le Palais des congrès et bien sûr le marché… Sous la vaste voute fraîche tout de même une odeur de marché, de « marée » bien sûr, les estivants frimeurs qui déambulent. Les marchands en tenue de marins que je savais un peu « arrangées » parfois bonimentaient derrière leur banc lui aussi "bétonné"..
Mon grand-père Ernest, lui avait une vraie tenue de marin avec la belle casquette bleue à galons foncés… Une petite fille lui dit un jour « tu as un bateau ? ». Tristement pépé lui fit « non » de la tête, plus de bateau, mais tant de souvenirs… Du dundee à voiles de la famille Galès au cuirassé Danton, presque tout ce qui flottait... Avec ou sans canons, avec ou sans voiles. Deux doigts abîmés par le gel témoignaient de ces dizaines d’années en mer. Pépé pourquoi je ne t'ai pas posé plus de questions ?
Mon oncle Gilles, mes grands-parents, les voisins, tous pestaient contre la mauvaise qualité des constructions. Quelques années plus tard je pus constater qu’ils avaient hélas raison. Le grand casino fut carrément détruit tant il était délabré, le portique « raccourci » pour éviter qu’il ne s’effondre, d’énormes problèmes dans la fière cathédrale, le marché, le Palais des congrès… il y avait du "bon" et du "mauvais" béton...
Durant les années… soixante-dix moi aussi j'ai pu frimer brièvement sur le front de mer au volant de mon cabriolet Peugeot, longs cheveux au vent… la jeunesse… Depuis, bon an mal an, vu tous les problèmes de malfaçons, la municipalité a réussi à « restaurer » la ville encore une fois. Elle ressemble à nouveau au « Las Vegas » de mon enfance. On aime ou pas, mais pour un éternel nostalgique que d’émotions, même en parcourant les pages de ce « supplément » !
Le Haillan, le 13 juillet 2024