Travaux d'écriture...1.— Vinyles, culture sixties

Thème : En même temps,

Devoirs du soir, durant les années soixante

j’avais en même temps deux activités absorbantes,

La radio à lampes crachotait enfin sur l’air de Big Ben

« Cinq heures à Londres c’est l’heure du thé,

Cinq heures en France c’est SLC ! »

Salut les copains c'était mon quotidien

mon répétiteur d’anglais Paul Mc Cartney

Avant le télé-travail pour moi le radio-travail

Devoir de français donc Elvis Presley

nouvelle leçon le swinging London,

conjugaison j’écoute John Lennon

verbe irréguliers vive les yéyés

résumé d’histoire tiens les chaussettes noires

demain j’aurai douze grâce aux Moody Blues

Le lendemain évidemment un peu en rade

à cause de ce maudit hit-parade

mes 30 glorieuses furent un peu périlleuses

sans doute peu studieuses en tout cas délicieuses



Thème "Ne pas déranger"

La chambre d'écoute (d'après le tableau de René Magritte (1952)

Dans l’intimité de mon bureau… Bien incrusté dans un fauteuil de dirlo.

Je saisis délicatement la pochette de mon beau vinyle.

J’agis amoureusement car j’aime bien son style.

Sa vétusté n’est pas un fardeau. La félicité est assurée par la sono.

Je relis lentement  les mentions sur son origine

et prédis assurément des sillons sans calamine

La qualité ce n’est pas du pipeau… J’en ai refusé des tombereaux

Campé comme sur une île, le disque est posé sur la platine

Le négocier ne fut pas facile, les marchands rarement versatiles

La subtilité est liée au beau, j’ai là un nouvel ex-voto

La pointe se pose délicatement, l’écoute commence religieusement

Il est très bon musicalement, j'en ai eu pour mon argent

Je regarde tourner le plateau, davantage de bonheur ce serait trop…

 PRIERE DE NE PAS DERANGER !

Thème : A deux c’est bien mieux

« Pinball wizard » (Le magicien du Flipper)

« Raaaaaaaan » la boule chromée fuse vers les tréfonds du Flipper propulsée par le ressort ultra tendu. « Ding ding ding » les premiers champignons électriques télescopés inscrivent déjà des points sur le grand fronton multicolore. Allers-retours incessants de la boule. Les « Bumpers » pare-chocs ont aussi une fonction de projection en avant et accélèrent encore la course folle du petit bolide. Un creux circulaire bloque la trajectoire brutalement « bzzz » cela repart tout droit encore plus violemment « clang ». Une cible métallique descend et remonte brutalement « clac clac clac » de nouveaux points s’inscrivent « cloc dzzz cloc dzzz cloc dzzz ». Calculs sonores et mystérieux qui augmentent encore le total de points affiché fièrement par la machine. Gontran ultra concentré appuie alternativement sur les boutons des Flippers placés à gauche et droite du long coffre haut perché sur ses quatre fins pieds. Il faut pousser avec son corps, bouger d’avant en arrière… Le Tilt, diabolique poids,… pendant dans les entrailles de la bête, tel un fil à plomb va en effet, au moindre contact avec sa large ceinture métallique faire « tilter » la machine. Dans ce cas la partie serait bloquée, donc ne pas trop pousser, juste ce qu’il faut… Au bas du plateau de jeu, un mortel triangle machiavéliquement exempt de tout obstacle constitue le danger absolu. Il pointe vers un univers menaçant, impliquant irrémédiablement la disparition du projectile roulant… Que de pièges et fausses trappes que notre joueur doit éviter l’espace d’un éclair ! Suite à une relance énergique vers le haut du jeu, Gontran entend comme un cri une chanson des Who, « Pinball wizard »… En cet instant il est Tommy le héros de l’emblématique opéra rock. Un magicien du flipper triomphant ne peut être accompagné que par une musique tonitruante… Le Juke-Box, tout proche encourage, enveloppé de sons sauvages.

Soudain à sa droite, Gontrand sent une main délicate épouser la sienne, la déplacer et finir par la remplacer. Simultanément une douce silhouette se love et décale insidieusement son corps vers la gauche. De longs cheveux détournent son attention l’espace d’un éclair. Ludivine la délicieuse partage maintenant la partie. La main gauche pour l’un, celle de droite pour l’autre, corps amoureusement fusionnels pour un partage de sensations. Ah tu es là ? glisse Gontran en souriant… Ludivine, pour couvrir la musique, se penche légèrement, pose sa bouche au plus près de son oreille et répond doucement « A deux c’est bien mieux… »

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Thème / On pouvait pour clore la saisons écrire si on le souhaitait une improvisation… J’ai donc nommé le texte qui suit « IMPROVISATION »…


Il arriva lentement sur la scène, comme s’il était passé là par hasard. « Tiens une scène… bizarre ce truc je vais voir de plus près ». Conformément à l’usage et surtout au style rock and rollien il va tranquillement, toujours comme chez lui, devant des centaines et centaines de milliers de personnes, régler sa sono avec ses musiciens. De nos jours les artistes bien plus policés (à tous les sens du terme) effectuent ce travail hors de la présence du public…

Son bassiste effleure une corde… comme par mégarde un grondement fait vibrer l’entassement de baffles en arrière plan. Veste blanche à longues franges volant au vent soulignant le moindre des mouvements… Chevelure afro retenue par un bandeau, jean serré mais légèrement évasé vers le bas, c’est lui c’est bien lui notre dieu de la guitare. Cet océan de têtes à perte de vue il le regarde enfin, « tiens vous êtes là ? » il sourit, un geste de la main, marée de cris en réponse. Depuis les collines lointaines de Woodstock couvertes de milliers de tentes à l’espace ravitaillement rempli d’autobus camions et baraques en aboutissant à cette marée humaine à perte de vue le silence se fait peu à peu, tous sentent que cela va commencer. Jusque là pendante dans son dos Jimi fait coulisser sa légendaire Fender blanche l’empoigne, les premiers sons explosent, ça y est il joue. Orage de sons électriques passant du déchirement au bruissement le plus délicat, sa voix grave accompagne la guitare qui mène le jeu. Doigts galopant d’une corde à l’autre, subtils pincements, effleurements. A certains moments expression d’une sorte de jouissance, bien cambré, instrument brandi vers le ciel, bouche ouverte ne pouvant s’interpréter que sensuellement…

Yves Simon faisait ainsi parler Jimi dans une chanson :

- Bonjour Monsieur Hendrix. Je suis du New York Times!
- Salut, moi j'suis de la planète Mars!

Il décolla vers un univers fantastique et on avait tous envie qu’il nous emmène avec lui. Les morceaux s’égrènent entrecoupés de quelques mots lancés à l’assistance d’où ressort « Peace » bien sûr, la guerre, hélas toujours présente en arrière plan. Et puis un final qui va rester dans l’Histoire. Inoubliable improvisation, nuée de sons cataclysmiques et irrévérencieux autour de l’Hymne américain. Musique déchirée pour un pays déchiré, cris, explosions, oppositions, contestations, oppression. Parfois notes d’espoir matérialisées par de subtiles mais expressives accalmies, cette séquence sonore se retrouve jusqu’à nos jours dans de nombreux films, documentaires, actualités télévisées, illustrant ce grand pays si désordonné et incompréhensible. Dans un an Jimi Hendrix nous aura quitté, il aurait sans doute eu bien d’autres choses à exprimer. C’est ainsi, pour nous il fut un de ces géniaux chauffards de la vie… Passages éclairs mais pérennité dans tant de mémoires…

Un cinéma remplis de chevelus, fut notre Woodstock. Mais nous y étions vraiment… dans ce grand champ au-delà du lointain océan, au soleil couchant de nos rêves adolescents.