Bergerac sixties, la "maison Pic"

17 septembre 2025 / Site du journal « Sud Ouest »
évocation de « la maison Pic » à Bergerac qui est à vendre.
Construite en 1956-1959, architecte Georges Lacaze,
propriétaire Jean-Paul Pic.

Ce texte mis en ligne sur un forum Facebook Bergeracois au 18 septembre a été "liké" plus de 100 fois à ce jour. Il a donné lieu à une discussion intéressante pleine de nostalgie et d'émotion.
Évocation de mes parents disparus depuis longtemps... (22 septembre 2025)

En 1958-59 mon père qui était artisan électricien me parlait souvent « de la maison du père Pic » qui était un gros chantier pour lui exceptionnel surtout par sa nature… Il nous racontait la fin de la construction d’une très grande maison moderne, au bord de la Dordogne. Son propriétaire, monsieur Pic, était un industriel qui possédait une fabrique de chaussures, label « Impec » à Bergerac. Ce qui nous impressionnait c’était d’abord le style « comme Royan », le concept sur pilotis. Le portail qui s’ouvrait tout seul et l’interphone que papa avait installés. C’était révolutionnaire pour nous. Mon père évoquait également entre autres merveilles « une machine qui lavait la vaisselle », cela m’interrogeait beaucoup. Avec ma logique d’enfant j’imaginais un robot qui attrapait délicatement assiettes, couverts et les lavait sous le robinet, les séchait et ensuite les rangeait toujours précautionneusement !

Je découvris rapidement la maison, de l’extérieur bien sûr. Elle était toute proche de la piscine municipale de l’époque dite « Neptuna » où j’allais me baigner les jeudis matins. Elle était donc à proximité de la Dordogne et était conçue avec les immenses ouvertures pour profiter de la vue. J’appris ultérieurement qu’un gros hors-bord pouvait être mis « automatiquement » à l’eau via un chariot électrique qui partait de son garage de la maison à la Dordogne… En fait il y avait beaucoup d'autres avancées techniques, piscine intérieure, murs coulissants pour des pièces modulables et également recherche au niveau déco. Mais en tant qu'enfant je ne retenais que certaines choses qui m'intéressaient...

Papa travaillait également sur le site de l’usine et donc rencontrait souvent M Pic. Un jour jouant dans le jardin de notre petit pavillon au Faubourg je crus avoir un éblouissement. Une somptueuse voiture qui n’existait même pas reproduite en Dinky Toys, lentement tournait dans notre rue et, miracle, s’arrêta devant chez nous ! M Pic avait rendez-vous avec mon père. Timidement, sans trop m’approcher, je tournais autour de la merveille rutilante comme devant une apparition céleste. Même les voisins regardaient depuis leur jardin. J’appris plus tard qu’il s’agissait d’une grosse Facel Vega, marque dont j’ignorais l’existence et ne devait pas être le seul ! « Il paraît que même Gilbert Bécaud en a une » alors… respect…

Bien des années plus tard, devenu adulte, de temps en temps je prenais la gabare touristique de Bergerac qui passait devant la villa que l’on avait tout loisir d’observer. La guide déclara une fois « vous avez ici une très belle maison Le Corbusier »… Mon père très âgé, questionné, me dit « que c’était n’importe quoi, certes il s’agissait d’une maison exceptionnelle mais pas de Le Corbusier ».
Première rencontre du fond de mon enfance avec la richesse, à travers une personne parmi celles qui profitaient vraiment des 30 glorieuses… Le sort des personnels presque exclusivement féminins de l’usine était, lui, bien moins enviable on s’en doute… Je m’émerveillais sans penser à ces contingences devant tant de luxe.

Que cela devait être agréable de vivre dans un tel palais ! J'aurais passé des heures à ouvrir et fermer le magnifique portail automatique. De même pour la mise à l'eau "tiré par un treuil" du hors bord ! Et je ne parle pas du plaisir de jouer calé derrière le volant d'une Facel Vega !